La maison - Village Piel
Dessin Serge - Traitement photoshop
La nuit était noire, car en ce temps là, nulle lumière ne polluait la nuit…
Seulement selon la saison, les étoiles ou la lune.
Notre « chambre », modeste pièce nue, aux murs de ciment, pas encore tapissée, pourvue d’une petite fenêtre donnant sur le jardin, était froide.
Blottis dans le lit, (on avait réchauffé les draps avec deux briques enroulées dans des journaux) mon frère et moi n’avions que la tête qui dépassait, sous les couvertures et l’édredon de plume.
Les parents, l’oncle et la tante parlaient dans la pièce principale, sous la suspension.
Nous les écoutions parfois, et regardions le filet de lumière sous la porte.
Il y avait souvent du chahut sous les draps, et les parents, quand nous faisions trop de bruit, nous lançaient :
« voulez-vous bien dormir ! »
…
Le matin, la pièce avait perdu le peu de chaleur accumulé le soir. Mais sous l’édredon, il faisait bon !
Nous étions toujours pressés de nous lever, au grand regret de nos parents qui savouraient le repos dans leur lit.
Mais c’était dur, de sauter sur la carpette, les pieds recroquevillés, et d’enfiler le pantalon glacé, la chemise froide…
Nous sortions en douce, passant devant le canapé déplié, dans lequel dormaient les parents… Ils ne nous voyaient pas… ou faisaient semblant.
Nous ouvrions la porte en silence, donnions une caresse au chien qui dormait devant sa niche, poussions la barrière, et découvrions le chemin aux flaques gelées, aux herbes givrées…
Nous allions jusqu’à notre ami l’orme, au bout du chemin, regardions les champs froids, tapions du pied sur le sol pour nous réchauffer… hésitions, et selon notre courage, continuions notre promenade, ou rentrions penauds nous mettre au « chaud » dans la maison.
Il fallait alors patienter longuement, attendre que la tante se lève, ranime le feu, chauffe le café, pose les grands bols sur la table, coupe les tartines dans le pain de six livres…
Serge