Publié le 14 Janvier 2015
La route de l'école commençait des le seuil de la maison franchi...
La maison était une grange.
Nous vînmes l'habiter, et ce fut une petite maison pleine de bonheur.
Nous arrivions de la ville, c'était l'été, nous étions émerveillés...
Le rosier moussu sur la façade, et la vigne vierge. Le mur gris près de la route ou couraient les lézards. L'allée bordée d'oeillets mignardise blancs, le poirier qui se couvrirait à l'automne de petites poires à cuire.
Le "pommier d'Amérique" dans le champ à côté, qui perdait ses pommes dans notre cours.
Le grenier merveilleux, lieu de mille jeux, de mille aventures...
Nous l'habitâmes quatre ans, quatre années magiques, coupées de saisons neigeuses, d'étés flamboyants.
Tout était grand, beau, mystérieux !
Les chemins nous appartenaient, les fleurs et les fruits, et la route, et l'école.
Epiceries sombres, remplies d'odeurs, église petite, sonore, avec le son incertain de l'harmonium.
La maison vit toujours... Elle est redevenue une grange... une grange inutilisée...
Moi, j'y sais toujours le fourneau, le petit lit dans la salle, l'escalier, le bord de la fenêtre, et les fourmis qui entrent dans la maison manger le sucre.
Souvenirs...
Le premier propriétaire que nous avions eu se nommait M. B. Il s'était tué en menant ses vaches, en moto, accroché par une voiture. Ce fut Mme L qui lui succéda.
La vieille propriétaire qui voyait mal, recevait de ma mère, infirmière d'un jour, "les gouttes es z'yeux"... comme elle disait.
Et mon frère qui apprenait à faire du vélo, rasait une plate-bande de dahlias... (Mes d, mes , criait mme L.)
Le chat "Minou" sommeillait sur de vieux journaux...
Les roses moussues sentaient si bon...
La barrière de tôle qui grinçait, et laissait venir le facteur Léopold G...
Notre maison...
Une double ligne d'œillets mignardise blancs bordait le chemin qui s'achevait sur une petite cours de terre battue.
Côté route, quelques marches précédaient une petite barrière métallique, qui grinçait.
Notre école, c'était celle d'Anctoville, petit village plus proche que le bourg de Saint-Planchers.
Nous sortions sur la route de Villedieu, route goudronnée, luisante, sur laquelle chantaient les pneus des rares voitures… Puis c'était une petite route gravillonnée, sinueuse, qui nous conduisait à l'école.
La maîtresse, mademoiselle Joseph, recevait presque chaque jour, le printemps venu, des fleurs qu'apportaient les élèves.
Nous, nous apportions souvent nos œillets blancs si parfumés.
Mais l'envie de changer nous prit un jour, mon frère et moi.
Nous cueillîmes un gros, un très gros bouquet d'œillets blancs, et prîmes la route…
A mi-chemin, sur la nationale, habitait notre copine Françoise L.. Dans un coin de sa cours poussait un gros pied de pivoines roses…
Les fleurs étaient énormes, parfumées, opulentes…
Ce fut notre premier troc, notre premier échange…
Françoise demanda l'autorisation à ses parents, et nous échangeâmes les œillets contre une grosse pivoine et un bouton plein de promesse.
Il y avait toujours dans un vase, un verre, des fleurs qui ornaient le bureau de mademoiselle Joseph.
Notre maison donnait sur la grand-route Granville-Villedieu. On descendait la côte, passions devant l'épicerie-café-mercerie-mécanique Alliaume, puis la route remontait un peu, et nous la suivions jusqu'à l'épicerie-café Lamor.
La route d'Anctoville-sur-Boscq
D'abord, sur la gauche, un petit chemin creux et sombre, qui faisait peur. Puis un chemin plus large, clair, qui donnait à la maison, la ferme, de Jean-Pierre T.
Plus loin, on arrivait devant la maison de nos copains Bernard, Marie-France, et d'autres frères et soeurs, dont j'ai oublié les prénoms...
Je revois les routes d'été.
Les fossés étaient envahis d'herbes hautes, si hautes que nous pouvions disparaître dedans. Dans les champs, parmi les herbes, il y avait le bleuet et le coquelicot.
Parfois, allongés, nous rampions comme des indiens des plaines.
C'était avant l'école, et les plus malins s'échappaient discrètement, abandonnant les autres qui arrivaient en retard.
Que de parties de cache-cache, que de batailles qui finissaient dans le foin.
Allongés sur le dos, immobiles, la tête posée sur l'herbe, nous regardions les épis et les fleurs qui s'élançaient dans le ciel, et tout là-haut, l'azur qui nous grisait.
Dans nos manches, nous glissions cette graminée, qui ressemblait à de l'orge, et qui grimpait toute seule le long de notre bras et qui nous grattait.
Il fallait bien balancer les bras.
Les filles cueillaient des bouquets qu'elles abandonnaient plus loin pour de plus beaux.
La chaleur nous accablait, nous étions vêtus de culottes courtes, de chemisettes. Les filles étaient légères dans leurs robes fleuries. Le soleil nous faisait des clins d'oeil à travers les branches, et nous baissions les yeux.
Noyée de soleil, Mademoiselle, dans sa blouse bleue, appuyée au mur, nous attendait.
L'école était comme écrasée. Les lauriers-palme se dressaient, brillants, impassibles dans l'air immobile.
Les filles chantaient :
Nous n'irons plus au bois
Les lauriers sont coupés
La belle que voilà
Ira les ramasser.
Nous étions à mi-chemin. Bientôt, on arrivait au paneau qui anonçait Anctoville, et la maison "du père Martinet", comme nous disions enfants.
Puis sur la gauche, le long de la route, les chataîgnier ou parfois nous nous chamaillions mon frère et moi, avec les T. pour quelques poignées de chataignes.
Après le dernier virage, l'entrée du parc de la maison de M. Heleine.
Nous sommes dans le bourg... A droite, l'église.
Une ligne droite, la route passe la voie de chemin de fer Granville-Paris Montparnasse, et court vers Yquelon.
Sur la droite, avant l'école, cette maison où, si mes souvenirs sont bons, nous allions apprendre le catéchisme.