La chasse aux papillons
Publié le 19 Mars 2008
Gif : http://petitemimine.centerblog.net/rub-gifs-papillons-2.html
Hormis les cousines, les vacances d'été étaient dépourvue de filles. Et même en ville, nous étions des garçons
sans beaucoup de copains, des enfants qui sortaient peu.
Nous avions bien des copains d'école, des copains de cité, (la vieille cité campagnarde, avec ses lavoirs, posée au bord des bois)... mais personne ne venait jouer avec nous à la maison.
Et les filles, nous n'en connaissions pas.
Cet été là, il y avait de nouveaux voisins, dans la grande maison du village Piel, le hameau des vacances...
Un couple, avec une fille.
On l'avait vue. Mignonne, le polo bleu, le petit short blanc... les cheveux courts...
Dans le bout du chemin qui s'élargissait, devant les grilles des maisons du hameau, elle faisait sauter un ballon, solitaire...
Nous passâmes une fois devant elle, sans lui parler, mais en la regardant discrètement...
Nous partions pour nos jeux sauvages, de garçons mi de la ville, mi de la campagne.
On en parla à la maison de l'oncle, le midi.
Des "parisiens", et leur fille.
Une copine pour jouer ?
Les parents, l'oncle et la tante pensaient que peut-être nos jeux ne lui conviendraient pas...
Elle ne devait pas courir les champs et les fossés ! Ni se salir, ni grimper aux arbres...
Le lendemain, elle jouait toujours au ballon. Il lui échappa !
(dans ces cas là, les ballons échappent toujours aux filles)...
Il était arrivé dans nos pieds. Difficile de l'ignorer. Malgré notre grande timidité, le ballon fut renvoyé,
et salué d'un :
"Merci, je ne sais pas pourquoi, mais il y a une "attire" dans le fossé ?
Nous nous regardâmes...
"Une quoi ?"
--Une attire, un aimant, le ballon y est toujours attiré !
Elle parlait un étrange langage. Nous en déduisîmes que c'était du "parisien"... et qu'elle parlait « bizarre. »
On échangea des mots...
--Tu t'appelles comment ?
--d'où venez-vous ?
--Qu'est-ce que vous faites ?
La glace était rompue.
On se promena le long des chemins, devisant gentiment. Elle découvrait les noms des fleurs, des bêtes. Le Caille-Lait, ou Gaillet, qui envahit les fossés, la Grande Patience, le Brome mou,
l'Ivraie, toutes les herbes qui font la richesse du foin.
J'ai oublié son prénom... Je l'appellerai Claude, (car je lisais le Club des cinq) et je la trouvais jolie...
On se voyait de temps en temps, peu, car elle sortait avec ses parents...
Nous, nous quittions rarement le village Piel.
Les parents disaient encore que nos jeux n'étaient peut-être pas des jeux de fille, surtout de petite parisienne.
Mais parfois, les filles aiment le changement.
Une radieuse journée de juillet, nous décidâmes de l'emmener à la chasse aux papillons...
Chasse pas dangereuse, du moins pour le chasseur.
C'était le bon temps ou les pesticides n'avaient pas ravagé la nature. Les papillons pullulaient, et surtout les blancs, les Piérides...
Claude nous suivait, jolie... les grandes herbes du fossé lui allaient bien, elle cueillait des fleurs, les abandonnait, elle tressaillait lorsqu'une "bête" courait dans les herbes...
Nous allions vers un champ d'herbe haute, connu de nous, au-dessus d'un petit bois.
Là des dizaines de papillons volaient d'une fleur à l'autre, se suivaient par deux...
Les Piérides, les Azurés d'un bleu céleste, les Vanesses somptueuses...
"Voilà, dis-je en étendant le bras d'un air de propriétaire, voilà le champ aux papillons"...
Quelles courses folles ! Nous n'avions que des branchages feuillus pour attraper les papillons...
Mais une petite musique chantait dans mon cœur, car plus que les papillons, Claude était jolie, ses jambes dansaient dans les herbes, les marguerites, les coquelicots...
Ses cheveux s'ornaient d'herbes, de fleurs arrachées.
C'était une Sylve sauvage, au bord des bois ou devaient sommeiller les satyres des contes.
Je rêvais d'une nymphe allongée dans les herbes, comme tombée, couronnée de fleurs, endormie, que je caressais du regard...