Facteur de campagne
Publié le 8 Avril 2005
Ce facteur était un authentique facteur de campagne. Il disposait d'une bicyclette fort rustique, guidon droit, pédales grinçantes, un vrai vélo de facteur !
Il soufflait comme un phoque en montant la côte du Theil, et, arrivé en haut, il appuyait son vélo au talus, et s'épongeait le front avec un mouchoir grand comme une serviette.
Alors, il se redressait, s'époussetait, bombait le torse, et fouillait dans sa sacoche.
Il en extirpait une lettre qu'il examinait avec intérêt, et suivant qu'elle était lettre de famille, ou pli des impôts, adoptait une allure de circonstance. Cela fait, il poussait la grille et toquait à la porte.
Chacun le sait, le facteur de campagne ne peut refuser le verre de vin ou de cidre, la goutte et le café !
Il avait ses jours et ses habitudes. Aujourd'hui trinquait chez l'un, le lendemain chez son voisin.
Parfois, le midi, on l'invitait à manger à la table d'une ferme. C'était l'habitude.
En contrepartie, il se chargeait de menues courses, apportait le sachet de graines, faisait une commission dans le bourg.
" ben d'accord ! c'est sur mon ch'min ! cha vous rendra service "!
- On vous r'vaudra ça ", disait-on aussitôt.
Mais d'un geste, le facteur signifiait qu'il ne rendait pas service pour être récompensé.
En fin d'année, il apportait les calendriers.
Là, pas question de refuser le café et le pousse café !
Le facteur se forçait à boire encore un coup, " pour le bon motif ", mais l'effort ne lui coûtait guère.
On lui glissait dans le creux de la main un billet plié.
Il l'avait bien mérité ! Penché par tous les temps sur sa bécane, affrontant les intempéries, distribuant les faire-part, apportant le paquet de plants de salades bons à mettre en terre.
Le facteur avait toujours quelque chose à raconter : le temps, les jardins, les enfants, les potins du village. Pas besoin de journal : on savait tout ce qui se passait dans le canton !