Chahut

Publié le 27 Juin 2005


Depuis plusieurs jours, la maître nous autorisait à lire en classe des revues, des magazines. Les devoirs finis, les leçons apprises, nous les sortions de nos cartables.
Un après-midi, le maître s’absenta…
Tout écolier en pareil cas entend en profiter.
D’abord, des cris s’élevèrent ! Pour voir ! On prenait la température de la classe…
Puis L. dessina un bonhomme au tableau noir. Quelle idée alors lui passa par la tête : il aperçu M. qui gesticulait à sa table, et fermant un œil, il le visa soigneusement et lança sa craie.
M. , qui massacrait une récitation avec force grimaces, s’interrompit l’air stupide !
« Pas fou, non ? »
A la craie répondit une gomme, qui affola les premiers rangs par ses bonds capricieux.
Ce fut le début ! Alors, de partout, le bombardement commença.
« Tous derrière les journaux !
--Pan, en pleine gueule !
--Prend Paris-Match, c’est un meilleur bouclier ! »
Papiers, craies, petits objets se croisaient dans la classe. Personne n’hésitait plus à se lever, il y eut des bousculades…
« Vous êtes idiots, tenta un « bon élève » !
Mais allez donc calmer trente garçons s’amusant comme jamais !
Les craies bondissaient contre les murs, claquaient sur le tableau. On s’assenait sur le crâne des coups de « Jour de France », ou de « Science et vie ».
Certains pour mieux voir montèrent sur leurs bancs.
L. que les tire visaient particulièrement, s’abrita derrière le grand tableau. Dés qu’il montrait son visage, les tirs redoublaient…et il disparaissait à nouveau. Mais un large sourire fendait son visage : en voilà un qui était à son affaire.
Chacun essayait de faire plus de bruit que son voisin. On refermait des livres à grand fracas, et quelqu’un tenta de chanter !
On ne l’entendit pas. Mauvaise journée pour les Figaros.
Près de la porte, un œil dehors, l’autre dedans, un guetteur criait, en vain, que tout allait bien !
Tout allait bien en effet, les règles claquaient comme des coups de fusil. Les pupitres se refermaient brutalement , gémissaient sous les coups, (ils en avaient vu bien d’autres !).
C’était la guerre. Une guerre joyeuse, sans tragédie, une guerre pour rire.
D’indécrottables « bons élèves » tentaient encore de lire, mais touchés dans le dos, assaillis, ils gueulaient et entraient dans la danse.


Rédigé par Serge Passions

Publié dans #Livres - textes

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S
Très bien vu ! Probablement, c'était cela... <br /> Ce qui nécessite des maitres intelligents... et des élèves qui savent raison garder...<br /> Un autre temps !
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M
Vent de folie...! Comme tu le dis, les profs savaient mais avaient choisi de ne rien entendre... Ce défoulement de fin d'année scolaire était nécessaire..., attendu... et "'offert" avec son parfum d'interdit... sinon ce n'aurait plus été si drôle !!!<br /> Nostalgie toujours...<br /> Martine, la Pèlerine
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Y
Dommage que le prof n'aie pas participé cette folle journée...<br /> <br />
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S
... c'est toute la différence ! <br /> Il faut savoir que cela se passait vers 1964, dans une école libre, de quatre classes, (c'était la classe de fin d'étude primaire 1 et 2).<br /> et que c'était cette période de l'année où le programme était fini, les grandes vacances proches, et où une certaine liberté nous était accordée... <br /> Je pense que les maîtres auraient interrompu le chahut, s'ils l'avaient surpris. Je crois aussi qu'ils en entendaient les échos... et refusaient de les écouter...<br />
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M
Oh, les élèves étaient dissipés dans ton école.<br /> C'était la belle époque maintenant ce n'est plus le même genre de jeux.<br /> Bisous et bonne journée. Marie
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