Noël passé
Publié le 25 Novembre 2005

Le long des chemins creux, les vieux arbres frileux ne portaient plus qu’une ou deux feuilles oubliées par l’automne.
Une mince couche de glace couinait sous les pas sonores. Le sol était gelé.
Un oiseau ébouriffé se glissait prestement entre les fougères roussies.
A l’école, déjà, la maîtresse nous contait des histoire, sous les globes jaune, derrière les fenêtres noires…
Pierre et le loup ! La chèvre de monsieur Seguin ! Le silence était grand, et seule, la voix de Mademoiselle Joseph raisonnait.
Parfois, une toux discrète, qui s’excusait, ou, un raclement de soulier troublaient à peine le calme de la classe.
Le poêle ronflait avec bonhomie depuis le matin.
Trois jours plus tôt, en bande, nous avions traîné le sapin pour l’école sur la route enneigée, bordée de poteaux noirs chapeautés de givre.
Un chuintement léger nous accompagnait, celui du sapin traînant au sol. Les voix sonores claquaient dans l’air vif. Une buée bleutée : phooouu ! phooouu ! flottait brièvement devant les bouches.
La dernière classe avant Noël était finie.
Il n’y avait pas de grands préparatifs, à la maison…
La maison était pauvre. Il n’était pas question d’acheter un sapin.
C’était pourtant le premier Noël dans cette petite maison de campagne.
Depuis plusieurs soirs, ma mère, discrètement, cousait à la machine à coudre.
Mon père avait fait percer des trous dans un manche à balai… Que se préparait-il ?
Quelques jours avant Noël, il revint portant une brassée de petites branchettes de sapin coupées dans une haie.
Alors, il assembla les branchettes, les introduisant dans les trous, et un sapin de Noël, ingénieux, apparut dans la salle ou le fourneau répandait sa bonne chaleur.
Nous étions, mon frère et moi, ravis…
On sortit une ou deux guirlandes, du papier d’argent, et d’or, des touffettes de coton….
Etait-il beau, cet arbre ? Sans doute moins beau qu’un vrai sapin, garni de cheveux d’ange, de guirlandes multicolores, d’ampoules de couleur….
Mais c’était le sapin de l’amour, du bonheur donné, de la débrouillardise…
Du houx garni de boules rouges, du gui cueilli dans les pommiers complétaient le tableau…
Sans oublier la crèche, petite grange couverte de paille, où Jésus, Joseph, la Vierge, l’âne et le mouton se serraient tandis qu’arrivaient les rois mages…
Cette crèche était poudrée d’une neige fine, brillante… que je trouvais douce à toucher….Le soir venu, je trouvai un nounours, qui fut le compagnon de ma petite enfance….
Ma mère l’avait cousu ! Il était marron, avec de beaux yeux brillants, le dessous des pattes rouge, bouclé à souhait….
Des oranges, des bonbons, des crottes de chocolat, des sucres d’orge l’accompagnaient….
Je ne me souviens plus du repas…Sans doute, l’oncle Georges et la tante Marie vinrent nous voir, passer la soirée avec nous…
Belle saison, simplicité, le froid dehors, le fourneau bien chargé dedans.
La neige tombait…. Beaux Noël d’antan…