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Publié le 23 Janvier 2008
Les jeux d'eau - Souvenir d'enfance
Petite explication technique.
Cette image est un montage... Nous n'avons pas de telles images dans nos archives...
Plusieurs images modifiées, un paysage de bord de rivière, nos propres têtes, vers 12 - 13 ans.
Mise à l'échelle des divers éléments, colorisation de nos visages, qui étaient en N&B. Mixage des divers calques, et application d'un filtre graphique. Ce
n'est pas parfait... mais si la photo avait existé, elle aurait ressemblé un peu à cela...
Avant même le début des vacances, nous y pensions.
Nous irions une fois de plus dans notre paradis, notre territoire de jeu, tout autour de la maison du village Piel.
Nous nous préparions.
Notre territoire, c'était quatre ou cinq kilomètres de chemins, de bois, de champs.
Nous connaissions chaque sentier, chaque fossé, chaque coteau, chaque ruisseau.
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La maison était immuable, derrière ses lauriers palmes, son rosier rouge...
Le jour attendu arrivait toujours.
Les parents, l'oncle et la tante étaient occupés, et l'on aurait pas besoin de nous pour ces petits services que l'on rend souvent aux grandes personnes à la campagne, (l'herbe aux lapins, la course chez le voisin, le cresson du ruisseau à cueillir...)
C'était le moment d'annoncer à ma mère que nous voulions faire "un grand tour", qui prendrait l'après-midi. Car nous voulions aller à la rivière, pas la petite qui coulait derrière le jardin de l'oncle, mais plus loin... en bas d'un coteau, dans un sous bois... ou sinuait un petit cours d'eau qui s'appelait l'Oiselière...
On nous recommandait de ne pas faire de bêtises, de ne pas nous salir. Or notre jeu, notre projet, notre plus cher désir était de patouiller, de nous mouiller, de ne pas être sages.
Nous avions bien préparé notre coup... Nous enfouissions dans nos poches quelques objets, un couteau, de la ficelle, un sac plastique, que nous avions dissimulé dans le fossé du chemin.
L'aventure commençait quand nous quittions les lieux communs que nous parcourions tous les jours.
Nous marchions d'un bon pas, bâton à la main, sur la route qui montait. On riait. Du bâton, nous fauchions les rumex, les panais, les marguerites...
La route laissait place au chemin... A gauche, hors de vue, une ferme : nous passions en silence...
Puis le coteau apparaissait, en bas le ruisseau, et en face, sur l'autre versant, les grands cerisiers qui étaient des bouquets blancs au printemps... Encore quelques centaine de mètres à droite, et nous descendions le coteau, et entrions dans le bois...
En bas, sur un fond plat, au milieu de grands baliveaux et de petits arbres coulait notre rivière.
Nous y étions...
On explorait, cherchant le bon coin : des graviers fins, un sable limoneux, argileux, un évasement, c'était parfait !
Nous sortions de notre poche le sac plastique ! Il contenant deux slips "empruntés" dans l'armoire maternelle... Car comment ne pas se salir ? Comment ramener blanc les sous-vêtements maculés de vase et de boue... En ce temps là, il n'y avait pas de linge de couleur.
L'un et l'autre, nous ôtions chemisette et short que nous posions dans l'herbe. Puis nous changions de slip...
Blanc, frileux comme de jeunes citadins, nous foulions pieds nus la vase et les gravillons...
Des jeux que l'on nous aurait interdits, bien sur : "Vous allez prendre le mal de la mort", "vos pauvres vêtements...", "vous mettre presque nus, ainsi, dehors". Paroles de parents, indignation d'adultes, mentalités paysannes...
Il fallait se cacher. Le bois nous y aidait. Le plaisir était vif, nous étions "sauvages" presque nus comme des indiens, vêtus de peu, comme Robinson...
Le soleil jouait sur notre peau mouillée, nous étions la nature, et un peu de sa sauvagerie. La vigueur des plantes d'eau était en nous, les saules, les bouleaux étaient des amis. L'eau paraissait d'abord froide, puis bonne.
Sur les bords, il y avait des iris jaunes, de la menthe, des plantes inconnues...
--Il y a peut-être des bêtes !
Mais ces mots, c'était pour le plaisir, pour les glissements inconnus entre les orteils. On tournait les pieds sur place, pour les voir disparaître sous le sable... Une longue fusée d'argile s'allongeait dans le courant. Nous attendions que l'eau soit redevenue limpide...
Puis on s'aspergeait, on s'allongeait dans le courant. On essayait de mettre des mottes de terre et d'herbe pour faire un petit barrage, aussitôt emporté pas le courant...
Nous luttions pour rire, nous renversant dans la vase, nous faisant des farces. Un bruit, un glissement, l'un de nous dressait le bras, inquiet : nous faisions silence.
Allions nous être surpris ainsi par les barbares, les étrangers ?
Mais ce n'était qu'un bruit de la nature, un de ses bruits dont on ne sait jamais d'où ils viennent.
Assis dans le courant, adossés à la rive, silencieusement, nous nous versions de la vase sur les jambes, le torse... Deux enfants sauvages, dont la peau n'était plus blanche... deux enfants sauvages des prés et des bois.
Ils n'étaient plus blancs, les slips... mais peu importait, on les rincerait, et on les mettrait dans le sac plastique...
Revêtus des deux autres qui attendaient au sec, nos frasques passeraient inaperçues...
C'était sans compter sur la boue qui avait éclaboussé les shorts, sur l'humidité qui sortait du sac percé...
Mais nous n'entendions jamais parler de rien...