Depuis plusieurs jours, la maître nous autorisait à lire en
classe des revues, des magazines. Les devoirs finis, les leçons apprises, nous
les sortions de nos cartables.
Un après-midi, le maître sabsenta
Tout écolier en pareil cas entend en profiter.
Dabord, des cris sélevèrent ! Pour voir ! On
prenait la température de la classe
Puis L. dessina un bonhomme au tableau noir. Quelle idée
alors lui passa par la tête : il aperçu M. qui gesticulait à sa table, et
fermant un il, il le visa soigneusement et lança sa craie.
M. , qui massacrait une récitation avec force grimaces, sinterrompit
lair stupide !
« Pas fou, non ? »
A la craie répondit une gomme, qui affola les premiers rangs
par ses bonds capricieux.
Ce fut le début ! Alors, de partout, le bombardement
commença.
« Tous derrière les journaux !
--Pan, en pleine gueule !
--Prend Paris-Match, cest un meilleur
bouclier ! »
Papiers, craies, petits objets se croisaient dans la classe.
Personne nhésitait plus à se lever, il y eut des bousculades
« Vous êtes idiots, tenta un « bon
élève » !
Mais allez donc calmer trente garçons samusant comme
jamais !
Les craies bondissaient contre les murs, claquaient sur le
tableau. On sassenait sur le crâne des coups de « Jour de France »,
ou de « Science et vie ».
Certains pour mieux voir montèrent sur leurs bancs.
L. que les tire visaient particulièrement, sabrita derrière
le grand tableau. Dés quil montrait son visage, les tirs redoublaient
et il
disparaissait à nouveau. Mais un large sourire fendait son visage : en
voilà un qui était à son affaire.
Chacun essayait de faire plus de bruit que son voisin. On
refermait des livres à grand fracas, et quelquun tenta de chanter !
On ne lentendit pas. Mauvaise journée pour les Figaros.
Près de la porte, un il dehors, lautre dedans, un guetteur
criait, en vain, que tout allait bien !
Tout allait bien en effet, les règles claquaient comme des
coups de fusil. Les pupitres se refermaient brutalement , gémissaient sous les
coups, (ils en avaient vu bien dautres !).
Cétait la guerre. Une guerre joyeuse, sans tragédie, une
guerre pour rire.
Dindécrottables « bons élèves » tentaient encore
de lire, mais touchés dans le dos, assaillis, ils gueulaient et entraient dans
la danse.