Publié le 28 Novembre 2005
Un jour, le froid fut moins sec, le ciel devint gris, d'un certain gris, chargé, uniforme…
« Il va neiger », dit mon oncle…
__Oh ! Tonton, tu dis toujours ça !
__ Vous verrez bien ! »
Et vers treize heures, quand nous levâmes la tête, nous vîmes les premiers flocons, tels des grains de poivres.
Puis ils devinrent plus gros, plus épais, plus denses : nous ne voyions plus à quarante mètres. Nous levions le nez, ouvrions la bouche, tentant de les recevoir sur la langue.
Bientôt, on nous invitait à rentrer.
L’hiver, nous avions de grosses chaussettes, des souliers épais, un manteau ou un duffle-coat. Aux mains, des moufles de laine, qui étaient vite mouillées, car nous jouions avec la neige. Et une écharpe autour du cou.
Nous jouions dans la cours de la maison voisine, inhabitée en hiver, et dont l’oncle et la tante prenaient soin. C’est là que nous bâtissions des bonhommes de neiges, des forts, que nous roulions la neige pour en faire d’énormes boules.
Les moufles, elles nous gênaient, nous les retirions. Mais bien vite, c’était l’onglée, les mains gourdes que nous mettions dans les poches.
Le soir tombait vite, on nous appelait. Les vêtements séchaient sur des chaises, devant la cheminée.
Au-dessus de la table, la suspension éclairait faiblement. Au-dessus de l’évier, une autre lampe brûlait.
Nous aimions regarder le feu lécher les bûches qui parfois pleuraient, et les flammes bleues et roses, et les braises presque blanches…
Derrière les vitres, le noir était total, même la neige ne dispensait plus sa blancheur.
Après le repas, les parents, l’oncle, la tante parlaient : de l’oncle qui ferait les courses avec son vélomoteur, en essayant de ne pas glisser. Du voisin qui prendrait les adultes dans son auto pour aller à Granville faire les courses de Noël je jour suivant…
Puis comme il faisait froid, « pour ne pas attraper de mal », l’oncle sortit de grandes moques, tandis que la tante versait du cidre dans une casserole…
Quand il fut à ébullition, elle versa un petit verre de calvados, frotta une allumette, et « flamba » le liquide ambré.
« Un bon « flip », dit l’oncle, ça réchauffe ! »
On mettait du sucre, et que c’était bon !
Nous, les enfants, nous ne faisions que goûter…
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Le flip. C'est une boisson chaude et fort alcoolisée, réputée guérir la grippe. Elle est faite, à parts égales, de jus de pomme et de goutte additionnés d'une bonne cuillerée de miel. On fait chauffer le cidre doux dans une casserole et quand il blanchit on lui ajoute l'eau-de- vie : on chauffe bien l'ensemble; sans le faire bouillir. On peut essayer de le flamber, si on le peut. Une autre formule préconise de chauffer le jus de pomme jusqu'à ce qu'il blanchisse, puis de le faire refroidir en y versant de la goutte en quantité suffisante pour qu'il redevienne buvable. Le résultat est à peu près le même : une boisson de goût agréable, qu'on avale seule ou en mangeant une tartine grillée couverte de miel. Il est prudent, dans les cas de grippe, de se mettre aussitôt au lit : l'accès de transpiration qui s'ensuit est souvent salutaire. On boit du flip l'hiver quand on a à sortir dans le froid, par exemple au moment de partir pour la messe de minuit.
Ce texte provient de l'excellente page que vous pouvez voir ici :
"Boire et Manger en Cotentin"
Le texte emprunté au site ci-dessus peut-être retiré sur simple demande