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Matelot fut un jeune chiot adorable, faisant des bêtises comme tous les petits chiens… Il se faisait les dents sur le pied en bois d’une table
basse… Plus grand, il eut une passion pour les chaussons…
C'est qui, le bonhomme ?
Adolescent, il était fin, si mignon, un air futé, un brin moqueur, un grand dynamisme suivi de grosses siestes profondes. Quand on a beaucoup
couru, quel bonheur de se laisser tomber dans son panier, et de dormir à « poings fermés ».
Il était encore mince avec de grandes pattes. Entre le chiot et le chien.
Tu la vois, ma papatte noire ? Tu la vois ?
Il prit très vite ses habitudes, adoptant des territoires dans la maison, ses « chambres » pour la sieste. Deux maîtres, deux lits pour se
reposer. Car chacun de nous, pour Matelot, avait une couverture « pour le chien ».
Le canapé aussi, lui était permis, seul, ou entre mon frère et moi. Une place au sol, dans une entrée, hors notre vue, était son salon, quand
il voulait s’isoler un peu plus.
Et bien sur son panier officiel, sous l’escalier, pas loin de nous. Il était si gentil, là, semblable à un marin dans un petit bateau, la patte
dépassant, comme pour tâter la fraîcheur de l’eau ! Ou couché sur le dos, les quatre pattes en l’air, celles de devant pliées, décontracté, les pattes arrière ouvertes…
Alors, si on lui serinait : « la queue-queue, les coui-couisses », il se mettait à remuer la queue avec force et plaisir , en « riant »… « Je vous ai compris,
disait-il, on est bien ! »
Après le repas, Matelot faisait l’aspirateur au tour de la table, cherchant des miettes, comme si on ne lui donnait pas à manger.
Il aimait les bouchées de viande, de fromage, appréciait le beurre… mais parfois, pouvait tout refuser, se faisant prier.
Je n’ai jamais vu un chien si peu vorace et gourmand… sa gamelle était remplie aussi souvent que besoin, mais il pouvait manger très peu, sauter un
repas. Peut-être est-ce pour cela qu’il était si beau, sans graisse, bien formé, élégant.
Le soir tandis que nous regardions la télé, c’était le quart d’heure de folie. Bien campé sur ses pattes, fixe, nous regardant attentivement, il
attendait le jeu, la provocation, et bondissait soudain des quatre pattes, d’une façon surprenante, comme lancé par un puissant ressort, et retombait entre nous deux, grondant, prenant des
positions impossibles, tout heureux d’un joyeux chahut, provoquant le jeu avec nous.
Mmmm ! C'est si bon une bonne sieste après avoir couru !
Il allait d’une chambre à l’autre, le jour, du rez-de-chaussée à l’étage, ses pattes tambourinant à la montée ou à la descente…
« diguedi-diguedi-diguedi ».
Aux aguets, je savais alors que son museau pousserait ma porte, et qu’il viendrait près de moi, se nicher doucement, ou montant patte àprès patte
sur le lit, se laisserait tomber comme un sac de noix.. Adorable, il partageait sa présence entre nous deux… Dans la chambre de mon frère, il avait un endroit aimé, devant une porte fenêtre,
juste derrière les rideaux. De là, il surveillait les allées et venues des voisins… et ne manquait pas d’agresser verbalement le cocker de la voisine,
Il accompagnait mes insomnies, car c’est avec moi qu’il passait la nuit. La aussi ; il avait trois places favorites. Comme il bougeait autant
que moi, nous nous tenions compagnie.
Parfois, il rêvait, « wif, wif, wouf » et ses pattes s’agitaient. Ses babines se gonflaient. A quoi pensait-il ? Pas à la
chasse. Il n’était pas du tout chasseur et méprisait les lapins lui passant devant le nez, les canetons, qu’il sentait et poussait du museau, sans leur faire de mal.
Voilà, le chien vit de la vie de ses maîtres, le chien a un cœur grand comme ça !